Après des études de
lettres et langues (anglais) et cinéma à l’université Paris III, Jérôme Palteau
participe à la création de la société Vic Production en 1984, à l’âge de 21
ans. Il intègreensuite l’École de l’Image des Gobelins en 1985 pour une
formation d’opérateur de prise de vues.
Il confie que son
expérience en tant que réalisateur et chef opérateur de films d’entreprises,
notamment industrielles, lui a permi de bien découvrir et d’apprécier des
mondes qui sont d’abord des communautés humaines complexes et passionnantes,
des lieux où se transforme la matière et où se crée la richesse par le travail.
Il
prépare actuellement : « La pagode économique », film documentaire sur
un entrepreneur Cambodgien qui valorise la sève de palme dans les circuits bio
et commerce équitable.
Le point de vue du réalisateur
Jérôme Palteau habite Clairoix.
Chaque matin, il passe devant l’usine Continental pour aller déposer une
demi-douzaine d’enfants du village, dont les siens, au collège de Compiègne. Un
quotidien immuable et rassurant. Mais ce matin du 12 mars 2009, quelque chose
cloche. Des centaines d’ouvriers à la mine grave sont rassemblés devant l’usine
autour d’un feu de pneus qui dégage une épaisse fumée noire. A la radio, le
présentateur du journal est en train d’annoncer la plus importante fermeture
d’entreprise française (1 120 salariés) depuis le début de la crise.
« J’ai compris que j’avais devant moi les images de
ce que j’entendais à la radio. L’actualité devenait ma réalité. (...) A l’origine,
la fermeture du site était prévue pour mars 2010. Un couperet tombe, et on
annonce une lente agonie ! Une question me taraudait alors : comment peut-on
vivre et travailler dans une usine dont on sait qu’elle va fermer dans un an ?
Comment envisage t-on l’avenir pendant cette période ? Je décidai
d’entreprendre un travail d’enquête et de rencontres pendant toute l’année qui
allait suivre, à travers quelques portraits d’ouvriers et de leurs familles. A
cette époque, je pensais faire un film sur la résignation, mais les Conti ont
changé le cours de l’histoire.
Au fil des semaines, alors que ma présence régulière aux côtés des ouvriers
m’a permis de gagner leur confiance, ils m’ont ouvert les coulisses de leur
combat. J’ai été autorisé à filmer les conversations confidentielles au cours
desquelles une véritable stratégie s’est élaborée.
Pris dans l’action, je réalisai petit à petit l’intérêt de la façon dont la
lutte était menée, et ses enjeux. J’assistai surtout à l’émergence de
personnages qui allaient tout changer, notamment les leaders : Xavier Mathieu,
Roland Szpirko, et quelques membres du comité de lutte, des personnalités
complexes, passionnantes, dont j’ai pu dresser les portraits, et qui prennent
la parole.
J’ai eu rapidement la conviction que cette affaire n’allait pas en rester
là et qu’il fallait rester pour en témoigner, son dénouement m’a ensuite donné
raison : les Conti ont arraché à leur direction un plan social exceptionnel,
au-delà de leurs espérances.
Cette aventure, je l’ai vécu avec les Conti pendant de longs mois. Surpris
que je fus par la vigueur de leur combat et par leur détermination, j’ai été
aspiré par leur mouvement comme dans un torrent, et j’ai suivi leur tribu.
Comme l’a écrit Régis Debray : « La
fraternité cela consiste à faire famille avec ceux qui ne sont pas de la
famille… ». Ou encore, faisant allusion au voyage des Conti à Hanovre : « C’est
tendre la main à des gens qui ne nous ressemblent pas mais qui sont unis par un
combat commun ».
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